[au début]

090521

Après avoir donné tout le sel de mon existence aux arbres, à la montagne, au torrent et puis au feu de l'âme qui consume le seum, je me suis jetée sur du bisou bisou, découpé en triangles - j'aime les triangles - j'ai tout bâti rapidement au fil rose, sans penser envers, endroit. Juste harmonie des lignes entre elles, découpage dans ma tête du tombé, possible, potentiel, j'en sais rien. Je n'ai aucune idée de ce que je fais. Not anymore. Not ever, en fait. J'ai vu les espaces intéressants apparaitre, j'ai glissé des fils de laine pour tenir - pas encore le point idéal, ça se voit mais c'est proto. J'ai renversé le tout, suspendu les endroits lâches à la tension - ça tient. C'est là. Ca dévoile l'épaule, j'ai tendu la laine en bretelle. Ca arrondi la hanche. Ca serre. Derrière ça découpe l'omoplate en cisaille implacable.
Putain, ça marche.


080521

Fondane : la poésie, la prière et le cri constituent une hiérarchie d’actes s’efforçant de modifier le réel et de provoquer le miracle.

Bah écoute, allez. C'est pas comme si j'avais autre chose de prévu.


020521

Ce qui habille les territoires de l'intime. Me coudre un corps éthérique en piochant dans mon senti. Me fabriquer un bouclier de ces bouts d'étoffes assemblées sans réfléchir, reprises au fil rouge en bâti rapide pour invoquer la forme qui dira tout mon courage, ce matin, au seuil du monde. Sous l'étoile j'avance en mon armure de trames et de chaines. Et si tu m'entends dans le silence, tu sais.


010521

Desire as a sylph figured creature who changes her mind.


300421

Une mode discrète et simple, l'élégance d'une disparition. Comment faire vivre des oiseaux en couture ? Des robes en suspension, qui se nichent dans les arbres de notre sensible - et qui chantent pour dire tout le ciel accessible, l'abondance juste là. A portée de doigt.

Où es-tu ce soir ? J'ai perdu la trace de ta présence dans le bleu. Un tonnerre au loin annonce l'eau. Je vais mouiller cette soie - puisse-t-elle me coller à jamais, en souvenir de cette chaleur : toi, sous la caresse.


290421

Depuis que j'ai entrepris ce travail profond de la main, du geste et de la lenteur coagulée, j'ai compris à la fois mon objet de mode et mon processus de mode. Il me serait difficile d'en faire étalage d'une définition ici, tant j'ai du mal encore à voir les implications artistiques, philosophiques et poétiques de cette réconciliation - à l'époque où le jeu était à cette place de cohésion, je rencontrais déjà des problèmes à en articuler une délimitation claire - et je maintiens que dans toute chose, c'est la nuance qui permet le temps réel. Tout de même : l'enthousiasme, la joie, l'élan de souffle et l'incroyable profusion de possibles qui naissent de cette réalisation est la preuve par la pratique que cette chute libre ne percutera aucun nuage.


280421

Je pense d'où je sens.


270421

Perec, Questions, 1 (in Traverses #3) : "Pourquoi parler de la mode ? Est-ce que c'est vraiment un sujet intéressant ? Un sujet à la mode ? D'un objet à la mode, on dit qu'il fait fureur. Mais n'y a-t-il pas quelque chose de furieux, de vraiment furieux dans la mode ? Pas seulement de furieux, d'ailleurs, mais aussi de bruyant, de très bruyant, de tonitruant. Ca n'a aucun respect pour le silence, la mode."

C'est amusant, le silence de la mode, c'est ce qui me frappe le plus : je le sens je l'entends je le vois. C'est une question d'époque, peut-être. Perec écrivait ceci dans les années 80, ça devait être assourdissant pour lui. Mais j'aime quand même l'idée que la mode soit furieuse au sens tourbillonné qu'on peut donner d'un ouragan d'un déplacement d'air d'une force inouie qui emporte tout - une toupie géante qui danse sur la pointe d'un diamant. Hors le larsen il y a pourtant expirations, soupirs - longs, suspendus. Ca me fait vibrer d'imaginer les évanouissements de la beauté, ces évanescences d'extrêmes ralentis et cette quête de grâce comme les respirations lasses d'un ressac sur les ruines d'un chateau de sable.


260421

Oublie d'où venait la paix.


250421

J'ai lu au creux de ta main le labyrinthe de destins en paille. Tu parles d'échappée, tes paumes sont striées - assemblées de bouts de toiles en origame. Ouvrir le fatum de tes sutures. Monté par d'autres dans l'étoffe que tu as choisie toi, carressante pour goûter la couleur. La saisir, cette eau dans ton empan, au poignet, à l'avant-bras. Ouvrir, tout. Ouvrir tes coutures. Repasser tes lignes avec mes doigts. Elles s'approfondissent, tu vois, elles apparaissent en mélange d'écarlate et de ténèbres. Tout se fend, doucement.


240421

C'est quand même inquiétant : souvent (pas toujours, pfiou) quand j'explique patiemment que mon projet est un projet de mode - que ce soit en écriture ou en installation (puisque le cas se présente et exige une rigueur), je me retrouve face au refus catégorique de toute poésie, toute nuance, toute approche magique. Trajectoire écrite, dessinée, cousue qui me semble pourtant plus formaliste que toutes les orgies d'analogies et de connotations auxquelles nous ont habituées les pseudo oracles. Ca me déprime trente secondes, c'est vrai que soudain je regarde mon travail avec inquiétude, dans sa naïve existence. Et puis ce matin les battements de coeur, et puis la lumière et la sensation de fouler un sentier féérique vers je ne sais quel horizon et tout me rend heureuse d'être là avec toi, suspendue entre mort et légèreté. Vers la réconciliation perpétuelle des contradictions.


220421

Arrivée à un endroit de paix et de confiance. J'ai compris que rien de ce que je fais ne sera jamais abouti. Le manifesté, c'est cette énergie du déplacement, du possible et de l'esquisse qui se suffit à elle-même - trouver dans ce surpiquage ou ce froissement ces aspérités et ces déchirures et ces diagonales non pas une finition mais le visible d'un désir qui se construit point par point et se laisse pendre en fil - comme ligne de vitesse sur dessin de mouvement - la direction du regard le long d'un pli invisible. C'est là où je me sens heureuse, que c'est manifeste, ce désir. Non pas dans l'approximation ou le cliché du maladroit que j'ai pu par le passé porter au revers de col comme preuve d'un vivant, mais dans la joie de laisser couler et de regarder couler et d'y trouver l'abondance des phénomènes.


190421

The name of this dress is MORE ACTION !
The name of this dress is LESS TEARS !!


240421

J'ai lu dans le journal que les impératifs de la mode sont plus catégoriques que ceux de la philosophie.................................................................................. (moue dubitative).


170421

Si ce geste est si profondemment véritable, au sens où sorti des entrailles, du fond de tout ce qui fait ce mouvement d'espoir et de chute mêlées, si ce geste dit tout ce que nous devons entendre sur les échos des vagues émergeant depuis la matière, alors la dynamique, alors le voile se gonfle et se plisse.


160421

Ce qui venait était le cœur mouvant d’une immense subtilité.


150421

Je relis Teilhard de Chardin avec beaucoup de glou-glou dans le ventre ce soir : "L'éternel féminin a cessé d'être ANTI-Matière ou EXTRA-Matière pour devenir TRANS-Matière. La spiritualisation ne saurait s'opérer ni en rupture ni en discordance avec la matière mais en traversée et émergence de celle-ci. C'est l'économie même de l'incarnation." (in La Puissance Spirituelle de la Matière)


140421

"Among fashion writers today there are almost as many different styles as there are of fashion itself. Two of them, however, predominate: the populist (“hey, let's go and consume together”); and the contextual (“what does this garment say about our particular moment in time?”)."

J'ai envie de me tirer une balle :)))


130421

De la nécessité absolue de construire moi-même mes tissus et mes silhouettes en assemblages d'autres tissus, entièrement fragments. Coudre sur les ruines, le souvenir de ce qui a pu exister entre le dessin et le vêtement, et puis l'écrire pour habiter l'invisible. Encore des fragments, qui se répondent, s'amplifient et se mélangent. Toujours tournés vers le devenir depuis l'histoire - et revoilà ma vieille amie la répétition :))


090421

La physicalité de tout m'avait manqué. De me plier sur une chaise pour coudre ce kimono, absorbée hors le temps - dans cet espace où je sens tout, j'entends tout. De vivre et travailler au milieu du chaos qui bouillone, indifférencié, où toute hiérarchies s'effacent. De laisser venir à moi le monde et de puiser à tes lèvres une abondance. Le souffle où ne sèche aucune sève.


080421

Un souvenir vissé au fond de l'être, pierre de fondation : celui d'être entrée dans mon adolescence, quand je cherchais mon corps et ma légitimité, comme je serai rentrée dans mon atelier. C'est une image psychique, une empreinte dont je retrouve le chemin quand je doute, même en cet âge avancé où d'ordinaire on se résigne à être quelque chose plutôt qu'autre chose. Un atelier tout en long dans une de ces rues marseillaises derrière le cours ju. Des mannequins en morceaux, du tissus à l'état de possible dans leurs formes inavouées - la scintillation des univers dans les plis. Et moi assise observant une robe et entre mes bras un être de lumière et dans le fond sonore d'une cavité vers Hadès, peut-être Godspeed - lentes montées élégiaques jusqu'à l'extinction des feux de larsen. Non. Une énergie plus qu'une image. Celle que je trouve dans le creuset où se nouent tous les chemins, dans cet atelier de nulle part, de partout. Tout autour.


070421

Mise en place des gallerie de dessin et de couture, pour accompagner le projet de recherche global sur la poétique de la Mode. Etablissement de projets clairs, concrets, d'installations, de couture et d'enseignement pour approfondir, accompagner, enrichir la pratique et le concept d'un même mouvement. Utiliser la théorie des Shifters de Barthes pour faire la bascule entre les différentes dimensions du vêtement et des mouvements de l'âme. Nécessité de commencer à traquer les références pour Corpus. Archiver. Inscrire la démarche dans la durée de l'art et la philosophie esthétique. Et prévoir un week-end d'extrême shopping vintage avec budget parce que quand même faut pas déconner.


060421

Je me suis réveillée dans le silence. Je l'ai accepté en moi, placé dans mon ventre - en confiance. Je vais en prendre soin, même s'il ne me demande rien. Le laisser se déployer, m'irriguer. Autour de lui je vais m'enrouler. En volutes, en volumes. Au centre de lumière, tout chaud. Ca prendra des jours, ça prendra des semaines. Des mois s'il faut. Je serai là, oeuvrant à sa périphérie, le temps que de ses profondeurs il se plisse. Un passage dans le mutisme qui n'oublie pas la nuit, les respirations. Souffle de tulle bleue que je vais suspendre à des fils de laine - tout le fragile à peine visible qui soutient le pouls quand il se gorge.


050421

"Fashion consists only in extremes - frivolity and death. Inasmuch as it seeks the extremes by nature, there remains for it nothing more, when it has abandoned some particular form, than to give itself to the opposite form." (Benjamin, 1925)


040421

Pendant des mois, j'ai vécu seule cette présence, cette idée. Un soleil. Je me croyais seule sur ce chemin, seule face aux errances, aux doutes, aux gestes empêchés. Je me suis résolue - j'étais prête à laisser l'aiguille me transpercer et me laisser pisser tout le sang là sur ma soie. On en arrive parfois aux murs - j'ai un vrai problème avec les murs. J'avais cette couture défaite en moi j'avais pris la décision de la laisser s'ouvrir pour en extraire tout le cri - certains actes crient éternellement.
Et puis cette coupe de soleil à laquelle j'ai bu, assoiffée. Tout le miel pour faire nos habits, tout l'équilibre sans dire. Et l'erreur belle n'eut plus d'emprise.


030421

C'est face au mannequin que j'ai trouvé l'équilibre. Comment m'ancrer, dans le souffle et la confiance. C'est prendre la mesure d'un être à ma hauteur, sans frémir de le saisir par les hanches et de le tourner tendrement pour ajuster un débord. En cherchant la dérive, l'importance du jeu avec ce que nous dit le tissus lui-même. On sait, quand c'est en place. J'essaye d'appliquer la même méthode au dessin - depuis le début, je ne veux pas imposer la forme mais bien faire naître du chaos de lignes et de textures une direction, une énergie, autour de laquelle je peux tracer les contours d'un volume que je n'avais jamais envisagé - que je ne pouvais pas envisager. Explorer les variations de la silhouette et des courants invisibles. Réconcilier et me laisser faire : car je ne sais jamais qui du mannequin ou de ma peau est l'objet du dévoilement.


240321

Hier, j'ai pigé un truc. Incroyable de le dire comme ça, et je vais essayer de le dire sans le dire parce que le dire ce serait peut-être le perdre mais voilà je


230321

J'étais confuse et maintenant je ne sais vraiment plus. Mais une chose me retient de tout abandonner encore et encore pour reprendre vie encore et encore dans mes espoirs et mes peurs les plus tenaces. Mourir et naître tous les jours à présent, au matin dans les oiseaux et dans le ventre la journée les échos et la plus belle des idées. Je vais accrocher cette clé de sol à mes cheveux. Où est ton élastique ?


220321

Par ces mots les plus simples tout devient soleil.


210321

Un voeu de nuit. Draper ce monde de nuit et lui donner les couleurs de la nuit, sa texture et son silence de nuit. Avoir foi dans le processus, dans l'accomplissement des espaces entre. La restauration d'une rêverie qui ne connait ni début, ni fin. Le rafraichissement d'une résolution aux nuances de songe.


200321

J'ai l'impression d'avoir été percutée par une grâce ce matin. Toute ma vie je suis passée à côté de moi-même. Et dans le gouffre de sorgue que tu as ouvert dans l'intime, j'ai trouvé mes larmes.


190321

Aujourd'hui est né le collectif autogéré des couturières de Belleville, la Filasse, sous le regard bienveillant de Clara Lemlich et de Rose Schneiderman - deux femmes auxquelles je me suis interessée pendant mon séjour à Montréal et que j'ai retrouvé par hasard à Paris. Il me semble que la démarche est pertinente, qu'elle nous permettre de pratiquer une basse-couture, issue du plus profond caniveau - et une recherche du sublime, dans l'acte d'être ici, présentes, ancrées dans le bonheur du coudre ensemble et de draper le monde dans son propre déchet.


180321

Une sorte de pause où ma respiration semble impossible à réactiver. La peur qu'il te soit arriver quelque chose. Tu étais partout dans mes rêves, drapée dans ta seule peau et nous l'avons couverte de fluides cette robe - à Londres, dans l'attente d'un défilé qui devait changer nos vies. J'ai laissé un bout de moi là-bas avec toi. Dans le blanc de ma couette ce matin, je la cherche - l'expiration. Je ne trouve rien que l'apnée, une terreur lente et plissée dans les recoins de mon insécurité. Si je ne sors pas de cette douche ancrée pour de bon - il est 6h à peine - je vais laisser passer l'occasion de terminer ce que j'ai laissé pendre sur le mannequin, cette promesse que je me suis faite de finir chaque semaine un ouvrage que je pourrais porter et qui me permettrait d'apprendre une chose, une seule. Le temps semble s'effacer - des absences dont je ne maitrise plus la texture. Mon coeur bat très vite. Je compte chaque espace. Dis moi quelque chose.


150321

Un geste dans l’intention, dans son mouvement qui dit l’intention, dans un déplacement qui expose l’intention, qui la distille et la célèbre dans sa plus que parfaite déclaration, l’intention. Dans une déflagration vers l’autre qui n’en finit pas d’éteindre sa flamme. On brûle tout ce qu’on a dans ce déplié de bras, de main, de doigts pour trouver l’artère où pulse encore le désir. Vers, envers, et dans la réciprocité, dans l’activité commune de se rejoindre depuis deux extrémités, on trouve le noeud du soin à l’autre - un ballet interdépendant où chacune se guide. Tout hiérarchie détruite dans cet acte de partage - vulnérabilités dans un enlacement. Des gestes conscients. Quand, stoppés dans leur ascension, ils excèdent les limites du corps, de la peau. Se transmettre dans une couleur, dans une associations de formes et d’engagement. Du sensible visible, jamais dénaturé par l’anonymat -
        D’une révélation qui se découvre chaque fois dans le même toucher.


110321

Une robe m'a appris le respect. Une semaine passée à ses pieds, autour d'elle, entre ses bras. Aujourd'hui dans l'atelier, je me suis assise pour finir les coutures secrêtes et tendre un trait de laine entre les omoplates, là où doit se faire le tombé des épaules. J'ai laissé pendre la maille, pour souligner he ne sais quelle gravité. Vers. Je la sens pleine de vie, digne d'exister dans sa faible lumière. Elle qui me dit que non, je ne suis pas en train de mentir. Si j'apprend patiemment de moi-même la rigueur d'une pratique, d'une expression que j'approcherai avec toute la grâce possible, je pourrais attendre la mort heureuse. Pour la première fois, je n'ai pas ressenti haine, impatience, jalousie et terreur du travail à faire. J'ai senti tout mon corps en extension, les muscles, le souffle. J'ai accepté de la laisser me dire, à travers les doigts : son unique forme, exfiltrée de ce qui glisse.

        Demain matin, j'irai l'humecter de rosée, promenée dans l'herbe qui s'éveille.


100321

J'ai fini ma robe en ailes déchirées et je l'ai drapée à nu et j'ai trouvé le mouvement autour de mon corps nouveau et j'ai pointé le pied sur le bois là où se fait la jonction et soudain la diagonale et soudain la traversée dans le biais - irriguée des pointes et des enroulements légers, le souvenir d'une structure - pelures dépecées, le cadavre d'une grâce égarée dans la nuit profonde de sa propre soie.


090321

En retraite face à mon mannequin Matisse, l'esprit qui gémit des micro-plaintes que j'ai compris venir des tréfonds de Take on Me, je taille avec mes doigts dans une soie patinoire, en biais et ça m'éclate. J'ai l'impression de glisser en toi, de me livrer corps et âme à toi, de me laisser prendre toute entière dans ce qui tremble de toi, dans le convulsif. L'ouvrage : une sorte de quoi, de chose suspendue, une traine, des seins qui se dévoilent à peine et l'échancrure qui nage les clavicules. C'est plus maladroit que tout ce que j'ai jamais rêvé pouvoir faire et j'ai l'impression que c'est la chose la plus sincère sortie de moi depuis des années. Une sensualité presque invisible, des voiles, du flou construit qui relie deux bouts en toilette pudique ou bien. Assise par-terre, satisfaite de ma propre incapacité à faire quoi que ce soit qui ait un sens, je me dis que je suis enfin là où je dois être, au milieu des tissus en bordel de chaos et mes ciseaux d'or et mes fils et mes chutes et mes cheveux et mes hanches et mon cul et toutes ces fringues dont il ne reste que les reliques d'architecture. Des ruines de vêtements.
    Ah mais.
        Oui.


080321

Je relis Emily Dickinson, et je trouve un article passionnant sur sa robe blanche.
Et je pense à son poème 617.

        Don't put up my Thread and Needle—
        I'll begin to Sew
        When the Birds begin to whistle—
        Better Stitches—so—

        These were bent—my sight got crooked—
        When my mind—is plain
        I'll do seams—a Queen's endeavor
        Would not blush to own—

        Hems—too fine for Lady's tracing
        To the sightless Knot—
        Tucks—of dainty interspersion—
        Like a dotted Dot—

        Leave my Needle in the furrow—
        Where I put it down—
        I can make the zigzag stitches
        Straight—when I am strong—

        Till then—dreaming I am sewing
        Fetch the seam I missed—
        Closer—so I—at my sleeping—
        Still surmise I stitch—


050321

Alors un point projet après quoi ? Six mois depuis le début de cette chute lente et profonde pleine de couleurs et de textures et de petits trous sanglants au bout des doigts. Je crois que je suis passée par toutes les phases de l'artiste adolescente (sans jugement) - des étages d'immeuble avant le trottoir qui se rapproche. Comme je te disais : le niveau BTS de la couture au bon endroit, la fixette Beaux-Arts sur la peau intime et hier la réalisation soudaine que tout était là depuis le début, le mot, le dessin, le pli et je relis Novalis comme quand j'avais 17 ans et je comprends que j'ai traversé cette existence en pleine inconscience, somnambule et je ne sais par quelle opération du ciel je suis encore en vie.


010321

Je me suis réveillée différente. Apaisée dans mes choix - un peu enrhummée. Une envie d'indicible nouée quelque part. Besoin de faire face à cette non-existence, moi toute seule ---- face à moi-même. Mentalement, je le cousais, ce vêtement dont j'ignorais tout. Sa silhouette, ses cicatrices. J'ai vu se dessiner un col, une emmanchure, une manche. Je savais où me poser pour le tenir. Comme si les gestes et les techniques que j'ai apprises depuis six mois (déjà !) prenaient corps ensemble, hors patron. J'ai ouvert mon sac de tissus, j'en ai choisi un, un peu élastique - une patinoire, tu dis. Ca se déforme, ça glisse sous l'aiguille, ça m'oblige à mettre des épingles partout, à renforcer le bâti. Je me suis activée, avec des gestes déterminés à défaut d'être cohérents. J'ai posé le tissus, je l'ai observé glisser, j'ai pris ce temps long pour qu'il me dise ce qu'il voulait être. Et je l'ai taillé, j'ai trouvé ses lignes, ses déchirures, là où je devais le guérir, où lui faire mal. Je suis revenue à la table de travail, le dessin, la machine, j'ai trouvé le sens de la découpe, instinctivement guidée par ce qu'il me racontait. Il a changé d'état, il m'a changé d'état. Il m'a accompagné toute la journée et de lui, ce soir, est sortie une présence. C'est pas grand chose, mais ça existe. Ca tient. C'est vivant. Ca me dit quelque chose du futur, de l'apaisement. Je ne sais pas trop si je peux le porter, je crois que les tailles et moi ça va prendre un peu de temps. Mais je le regarde là, pendant que j'écris ça et il ne tombe pas en miettes, il ne me hurle pas dessus des horreurs, il me renvoit pas ma misère. Il existe, dans sa matière. Il n'est plus tout à fait seul.

ÈDIT : je peux le porter, j'ai juste une manche à agrandir :)


280221

...................... en procession de pensées désordonnées et rhapsodiques, le tremblement d'une feuille, le bourdonnement d'une abeille, le soupir du vent et le lait de la lune - l'infini et l'éternel entre mes deux mains et dans ce corps vivant qui jour après jour recouds sa peau il y a du profond, la trace d'une aiguille et le sillon du fil jusqu'au coeur, ça va toucher le fond, là où tout se dissout, là où ça ne se comprend plus, là où ça vibre de partout en tissus intime aux transparences, notre porosité, là où il y a tout qui nous relie, nouées tu vois. juste là.
          il reste une plage où se pose le baryton et sur ses lèvres                         oui


260221

Son geste arrêté dans la montée du fil, un simple bouton recousu sur une veste grise et noire ysl, elle cille et fait voeu de poésie, là, dans son atelier. Elle prend conscience du moment, brusquement disparu - à jamais.


250221

J'ai de plus en plus d'absences - espaces impossibles à enregistrer d'où émergent les enlacements froissés. J'entre progressivement dans une vie parallèle, en état de veille paradoxale - comme si ma conscience par défaut était rêverie intuitive des espaces entre. C'est peut-être là, dans cet état d'hébétude où je réinvente tout depuis la base, que je me donne enfin à moi-même - après des années de galère à ne pas saisir la portée du geste. Et toute trace du temps s'efface.

Dans le geste qui couds, dans celui qui drape et qui pince et qui donne forme à la forme, puis déforme et révoque toute présence, je trouve l'intime - ce rivage que j'ai fuis et sur lequel je m'échoue toute broken mais toute smile. Mes lèvres sont de sel, putain j'ai soif - j'ai tellement soif.


240221

Devant ton miroir pas d'autre choix que d'exposer ce corps né de l'intérieur de moi et cette peau que je livre à tes mains. Mes bras à peine levés - tes ajustements sur la silhouette et je tremble de bonheur et j'attends que tu me tisses et je bouge comme le sommet d'une tour en plein vent mais c'est de ton souffle que s'échappe le sensuel quand tu murmurres entre les épingles de tes lèvres, à peine : laisse-toi faire.


230221

Je ne sais pas d'où vient ce calme soudain qui a frôlé mon sein, et sur ma peau a laissé des traces de fil invisible. Des pointillés sur le bleu de mes veines. Oui, je vais bien et je souris quand je regarde ces empreintes en creux. Qu'importe finalement, le beau, le sublime - tout n'est plus qu'esquive. La vie c'est ce qui s'échappe.


220221

Hier j'ai passé trois heures à essayer de régler une surjeteuse en pleine chaleur - la buée sur le verre de mes lunettes m'empêchant d'enfiler (putain de masque mais hein, bon). J'ai bien cru que j'allais crever là au soleil de l'atelier. Il y avait un problème avec la machine, d'entrainement du fil d'aiguille, mais je ne le savais pas, j'avais vraiment l'impression de faire de la merde. Comme quand je foire ces patrons à moitié digérés, ces crans, ces plis dogmatiques dont j'apprend la position arbitraire, sans me fier à mon instinct. Dans le cadre de cet apprentissage précis, une fois par semaine, où je me forme aux règles d'une couturière qui me téléguide les mains, ces moments où je ne lâche pas mon énergie dans le tissus pour permettre à un cri intime de se fondre dans la matière, ces moments de pure raison, ils sont comme un rappel. Tu m'as demandé pourquoi je m'acharnais sur ces bases laborieuses, hésitante à me livrer aux mouvements de l'âme. je t'ai répondu que j'avais trop de respect pour cet art et que j'avais besoin de sentir ma place - cette toute petite place. Je crois que ce que j'apprends, c'est de me confronter à la peur. De la saisir dans ce qu'elle a de plus logique. Mes petits poings, mes petits seins face à ce piédestal monument que je vais devoir abattre. Mais pas maintenant, pas tout suite.
Petite place, grand souffle.


210221

De nos mains nous avons fait des épaves entre les mondes, dérives à la recherche de la vague qui nous submergera. A plusieurs, nous composons - nos doigts enlacés - infiltrés dans la trame de nos esquifs. Nous avons fait notre le vaisseau de Thésée, qui se défait sur chaque récif et que nous refaisons encore et encore. La vie elle-même, jusqu'à l'extinction. Cette peau est-elle toujours la même ? Je n'ai pas bu depuis des heures. Je n'hydrate plus les rayons du ciel. Je ne crois pas avoir peur. J'ai décidé hier de ne plus avoir peur. J'ai l'impression que je n'amènerai jamais rien à cet art que j'ai choisi comme radeau. Et pourtant et pourtant. J'ai au fond du ventre une alarme qui tous les matins me tire des limbes, à 5h45 précise. Je contemple l'océan à perte de vue, les plis d'écumes sur les crêtes. Mentalement je les assemble et les surjette en gouttes zigzag. Je les égrène dans la journée, lente en ma respiration. La patience des points, le liseré tiré. Ouvrir la couture devient presque surf. Je glisse en attendant que tout craque, que ça se fende, que ça se déchire en espoir avant les ténèbres qui envahissent et qui plisseront nos corps en cocottes papillotes. Pas de mélancolie ce matin. Un sourire, à peine.


180221

Tu me dis : un point, c'est un point. Pas à côté. Dans le point.

Alors je fais un point, je refais un point, je défais ce point et je refais ce point, je boucle ce point, je noeud ce point, je tire ce point, je le pointe, le point, je renoue le point, je perce le point, le reperce et le transperce, le point. Je prends le point, j'ouvre le point, je file le point et je serre le point, je pique le point, je me pique le doigt, je repique le poingt. Point de répit : je me venge sur le point, je saisis le point, je jette le point, je me jette dans le point, je tombe dans le point je tombe dans le point j'accélère dans le point je vais trop vite dans le point je fonds dans le point je me dissous dans le point je deviens le point je suis le point .

What's the point ? We are the fucking point.


170221

Tu m’as demandé pourquoi on voulait changer le monde avec des robes, réelles ou virtuelles. Un drapé de vecteurs ou de fils en cheveux d'or. Peut-être parce que je sais que nous ne sommes pas seules. Que tout ce que nous faisons impacte le visible, comme l’invisible. Et nous donnons ces peaux aux autres pour les vêtir d'intentions. On se demande si c'est souhaitable - ce serait comme faire des marionnettes à la merci des aiguilles, des folles Déesses. Je cille. Et je repense au toi-tigre et à nos héroines. Et tout ce qui nous reste - c'est cette eau. Quand la marée s'est retirée du sable où nous avons bâti nos chateaux, Soleil fait miroiter des perles de gouttes et je comprend que c'est tout ce que je sais faire : voiler l'astre. Le couvrir pour que nos yeux fatigués puissent le contempler et dans la grâce de son sourire accepter notre sort - dérivatives, nous les groupies du feu sur les trace de l'eau. Alors trouvons la source. Car nous sommes filles des étoiles et nous sommes assoiffées.


020221

Le Péridot semble être partout dans ma vie en ce moment. Deux origines ont été proposées pour ce vocable : le mot arabe faridat (« pierre précieuse, perle »), ou, par métathèse, le mot latin paederos, dérivé du grec Παιδέρως, composé de παιδός (« jeune garçon ») et έρως (« amour »). D’après Pline l’Ancien, le paedéros « se trouve… à la tête des pierres blanches… et il est devenu, par privilège, synonyme de beauté… et mérite spécialement un si beau nom ; car il réunit la transparence du cristal, le vert particulier de l'air… Nulle pierre n'a une plus belle eau ; nulle ne captive plus agréablement et plus doucement les yeux ».


290121

De nouveau réveillée par la pleine lune, il était cinq heures passées. J'ai pris un bain de rayons face à la fenêtre. Noyée dans son eau vespertine - et de mes cheveux mouillés j'ai tiré du fil que je vais coudre dans l'ouvrage du matin. Avant de les nouer, je les consacre dans la rosée de tes larmes, receuilliés dans la terre des plantes aux fenêtres. En les assemblant, je chante les visages des doux amies, aux mots dits, en flammes. Le tissé de cette robe sélénite est une trace magique, un soupir. Patiemment le souffle s'accomode du rythme des mains qui retracent la couture d'une face sur l'autre, endroit contre endroit, face lumière, face cachée. Elle aura le liquide du coulé de toi, Sélène, pour me couvrir pendant la prière. Pour me protéger et m'endormir quand le rêve se refusera. Je lui donne le nom de Nina, parce qu'elle te ressemble dans sa simplicité.

Oh mais je baille. J'ai encore sommeil !


270121

L'espoir, l'espoir.


250121

Le cri est sorti ce matin. Un vomi en mode full impuissance - des basses profondes qui ont bousillé toutes les hauteurs de voix que j’avais soigneusement travaillées et placées - et l’envie m’a pris de tout ruiner. Ce hachis dont je t’ai parlé, tu sais, c’était pas juste une expérience. C’était une intention. Alors, puisqu’on en est là, dans nos isolements, nos malentendus, nos attentes et nos terreurs, il faut se lancer.

Tout détruire dans l’atelier, sans méthode. Patrons déchirés, dessins en flocons. Renversement immature, aucune joie, aucune douleur. C’est moi toute entière qui s’éteint avec ma dernière plainte - se désintègre dans la forme.

Ne reste qu’un silence. Un lointain désir - éteint - sans plus rien qui bouge. Une fin d’adolescence hormonale.


230121

On pouvait l'imaginer perdue, cette grâce infinie qui n'a de cesse de revenir frapper à la fenêtre, elle qui veut le chaud de nos sommeils et tout l'amour dont nous rêvons quand dans une couture de bleu nous disparaissons - c'est vertu cristalline comme la peau de tes mains usées. Comme, tu sais, le frottement.

J'avais peur de te toucher, grâce. Tendre les doigts et t'apprendre à en crever. Seule entre mes murs, j'ai plongé dans ton sourire pour l'ouvrir et tout laisser couler que je puisse le boire et me remplir de ta marée - refluante.
Est-ce que je suis devenue lune ?

De la buée sur la vitre, un croissant qui se ferme en cicatrice de soulagement. Je regarde mon ouvrage d'organza destiné à l'inachevement. J'ai eu si peur d'avoir perdu le chemin, mais tu frappes encore et je moi tu - oh la la.


210121

En ta disparition, j’ai pris connaissance des nouveaux signes. Dans la présence de l’éternelle distance entre la tête et le coeur, je regarde tomber mes oripeaux. Je me suis dévêtue devant le miroir de Psyché, dans le reflet j’ai lu un geste ultime - défaire. L’investiture des espoirs, le désespoir des vêtus - phénomènes dans la distance où la classe devient essence, sublimée dans la torpeur. Toutes ces divinités m’apparaissent désormais pour ce qu’elles sont, en violet, en Prada, en rêve de fonctions. Moi, devant ma page blanche, entre le fil, le mot et le trait, je me débats dans la quête absurde de la grâce. L’approximation technique, je n’avais de cesse de la brandir comme étendard d’une sincérité. Elle devient soudain impasse. Pourtant la détermination, pourtant l’épreuve du feu de l’intérieur, le creuset tu vois, le vaisseau de terre où se dénude matière et intention, c’est un principe actif. Ça me dit : Prends soin de tes rêves. Ça me dit n’oublie pas le silence perpétuel du coeur.


170121

Mistral toute la journée - drapé d’ombres sur le mur d’une chambre en boule de chaos. La terreur de tout précipiter, trop vite, trop profond. Comprendre avant de projeter. Je suis une apprentie. Je ne sais plus rien faire, à part peut-être poser ces mots en élan. Depuis que j’ai commencé à écrire ce journal, comme une sorte de retour à l’humilité après des années de scarifications de mon ego, je me suis posée la question du fantasmagorique et de l’incarnation. Dans quelle mesure ce que je formule peut se trouver piégé dans la matière. Comment mon désir, pur moteur de vie qui échappe sans cesse au contrôle, pourrait libérer le mouvement enlisé - et réconcilier les mondes, entre mes deux mains.

Les croiser en mon sein, intention.


170121

Je t’écris de l'intérieur parce que ma sauvagerie vient des rideaux lourds que l’on tire vers soi-même. C’est vital pour me regarder dans une glace et apprendre à voir en travers de moi comment se place la peau qui hésite. Le danger de nos vies ne suffit pas. Les frissons naissent du miroir et nos poèmes des frissons. Cette obsession catégorique, lancinante et voluptueuse du pli sur un métal à vif.


170121

Presque calme ce matin. L’émeute en dedans qui dit non non non et qui juge tout ce que font ces mains a décidé de fermer sa gueule. Une plainte limérente a eu raison de mes doutes. Des mots glissés cette nuit par désir, simplement, ont apaisé l’envie d’être - et le faire apparait dans son hybride. Le vêtement-écrit semble soudain plus proche de moi que le dessiné, parce qu’il ne cherche pas à montrer le lieu où se tisse la grâce mais la trajectoire vers. De mes réflexions ces derniers jours, quand le sommeil se refusait, quand je mélangeais tes paroles à ma frustration d’être passée à côté de tout, j’ai tiré un principe de transition perpétuelle, hypnagogique presque. Ce moment "entre" ------- traçant le passage d’un état du tissus à l’autre en flux de souffle le long d’une silhouette géométrique.


160121

J’aimerai pouvoir t’expliquer pourquoi ça fait trois jours que je dors pas. Que c’est d’épuisement que je m’évanouis vers 4h du matin. J’ai dans la tête cette boucle de cri, une alarme qui me demande tout. C’est comme me percuter d’un coup, depuis l’intérieur de moi-même. De l’envers, puis pliée endroit sur endroit. Je cherche précisément où ça doit se coudre et c’est ce qui me tient éveillée dans le spectral - là il est deux heures vingt et je sais que rien n'est fait et que je vais défaire et refaire encore et encore, dans l'erreur, l'approximation. Il y a des fulgurances dans cette détresse. Des moments de paix où soudain le geste de haut en bas devient respiration, soupir. Prendre le pouls de cette robe, sentir la vie s'effilocher en compte à rebours. La batterie d'un souffle abandonné où se déploient les nénufars.


150121

Je me retourne en geste d’esquive pour échapper à l'égrène d'un rêve de moi. Dans le mouvement son empreinte est un bâti léger - couches de toiles et d’existences où l’aiguille invisible se fend.

Réveillée dans des draps inconnus, en état de choc après être allée au bout de ce que je pouvais accepter de mon ego - ce cri qui ne sort pas encore tellement j’obsède l’écho. Je me demande ce qu’il peut y avoir après ça - ou bien non, je sais mais peut-être qu’il me reste une dernière chose à faire avant l’apprentissage. Un deuil, tu vois ?

Il y a des petits chats noirs sur la couette et dehors le soleil. Et je me demande combien de jupes j’ai en moi ce matin, à comprendre. Assise dans le mou, j’ai commencé l’ouvrage du jour en lenteur - un fond de migraine. Je trouve dans ma respiration l’attente patiente de ce moment précis où le fil craque, laissant le soupir refluer.


130121

“All other things will eventually grow.
And at some point they will break.
And that’s ok.”

tu me demandais si ça devait se figer dans la grâce impossible ou si on pouvait se draper dedans, s’enrouler et marcher sans se faire un croche-pied. s’introduire dans le placard des autres, comme des petits rats qui font des nids avec des mouchoirs en papier. pour que le monde se sente bien et qu’on puisse chanter en écho dans la solitude de nos chambres chantier. tous les cris qui ont besoin de sortir. je me suis demandée, sincèrement, ce dont *moi* j’ai besoin : de bleu, c'est évident. mais aussi d'une pratique apaisée pour les autres. sortir de la pure contemplation, crever cette bulle où tout est toujours possible malgré les doigts en lambeaux et la poussière dans le visage. la peur de se perdre, ça paralyse. et pourtant, il y a deux mains : ici le visible, là, l’invisible et entre les deux toute cette transition qui ne cesse entre le placard et la bulle. peut-être qu’il faut accompagner ceux et celles qui grandissent.

et peut-être que le bleu, c’est le bonheur.


120121

c'est comme me réparer tu vois. assise sur un coin de matelas, je reprise cette seconde peau et j'ai l'impression de me donner une chance. de frôler, de frémir - un tissus donnant élan à cet épiderme qui hésite. je te parlais de cette dimension invisible entre nous, bulles d'intime qui se déplient, gonflent et refluent quand soudain ta présence est trop. et ce vêtement sera ma seconde, ma troisième intention - expression dans la matière de toutes ces compositions invisibles qui me tissent sans cesse. le taux de rafraichissement de mon identité qui decélére.

from here we go sublime.


231220

As the world seems to be splitting along the seams, the bare inner workings of something new will be exposed.


221220

"Ces nymphes, je veux les perpétuer. Leur incarnat léger, qu'il voltige dans l'air assoupi de sommeils touffus. Aimai-je un rêve ? Mon doute, amas de nuit ancienne, s'achève en maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais bois mêmes, prouve, hélas, que bien seul je m'offrais pour triomphe la faute idéale de roses." (Mallarmé, L'après-midi d'un faune)


211220

Je rêve des mains des Rose Bertin. Fatigue, il est quoi, 4h ? Il pleut et moi je peine à trouver comment coudre une poche, sérieusement. J'ai l'impression que cette heure précieuse est un refuge. Personne ne juge, personne n'attend rien de moi. Juste mes doigts qui défont l'erreur encore et encore.


231120

Waking up to the sounds of deep sleep, pyjamas everywhere : confinement, the comfort of madness. As we're watching our friends turn to livid sleepwalker, couette-fash is growing, hugging massive puddles of warmth to crush the life out of sleep.


221120

During her stay at the Soeurs Callot, Madeleine Vionnet was known as "Dame Chataigne" because her hair, eyes, and all her clothing were chestnut in color.


201120

Désormais, ces rêves de velours. Un rideau en drapé délié, sa peau épaisse au toucher. Toujours, je reviens à cette texture qui semble vouloir me dire : ouvre-moi.

Une mémoire : j'arrive à Belleville avec un vieux weekender rempli à craquer de culottes et de jupes tubes noires. Une seule paire de talons, ma trousse de toilettes : les seules possessions que j’ai ramené de ma fuite. Sous tout ça, une copie défoncée de Pattern Recognition, que je lis et relis comme une biographie fantasmée de ma vie - tout au fond de moi, quand je cherche, je suis un peu Cayce Pollard. J’en suis là, à ce point de chute, identifier les schémas de ma trajectoire à celle d’une fiction. J’imagine que c’est le lot de toutes celles qui ont placé sur l’horizon une dernier sursaut de sublime avant de faire reset.

Je dors quelques jours dans la mansarde d’une amie partie faire un shoot, juste la place pour un lit, une fenêtre sur ciel gris. Je lance des appels désespérés pour trouver de quoi vivre depuis la vitre brisée de mon téléphone, avec le peu de choses que je sais faire, écrire, dessiner, coudre. J’attends en me limant les ongles. La nuit, je rêve de velours. Ouvrir le rideau et tomber au plus profond du rêve, tomber du ciel comme de l’eau courante ; me voir à travers le temps, grandir et vieillir, me dépasser et me perdre de vue.

Au réveil, dans la couette où ma main en coupe recueille une eau invisible, je fixe l'étang sans rides du plafond. La profondeur de sa surface me retourne le goutte à goutte d'un songe de fuite.


191120

Quand j'étais petite, je pensais qu'à chaque fois que ma peau pelait, c'était une couche en moins et que nous naissions toutes avec un nombre de couches fixes et qu'un jour si je ne faisais pas attention à mon capital corps, je serai muscles et nerfs exposés. A jamais sensible au frottement de l'air, des souffles. je n'avais pas le concept de régénération des cellules. je n'avais pas la néoténie.


1811220

Asleep with the ISS stream - slow sometimes nothing void or glitch then crisp as space an operation deploying arms packages wings to the sun. The careful unfolding of foil and sticks in diagonal flares.


171120

THE GATHERING OF FLOWERS

Wave of an hand
Woven hand across the field
A wicker basket of poppies filled
Newborn puppies, barking red wheels
In smiles of swooning waning moons, ah.

I’m not the kind of girl you think I am.
I have eaten the poppies, nine times
Transformed into pomegranate, eight
And now I’m here and there is the field
And there is the cloud where I was born.

Spilling pomegranates on my dress
Rosy-hued splash bursting with plentiful
Ruby-red, jewel-like seeds
One little flower, one little bee
And my palm is full of songe.

I declare the war of Wakefulness over.
Dreams worn on skin, tombé de silk
My brooch of chronic fatigue.

Our world has grown young again.
Beautiful pomegranate of me.


161120

Electric blue is a color whose definition varies but is often considered close to cyan, and which is a representation of the color of lightning, an electric spark, and the color of ionized argon gas; it was originally named after the ionized air glow produced during electrical discharges, though its meaning has broadened to include shades of blue that are metaphorically "electric" by virtue of being "intense" or particularly "vibrant". Electric arcs can cause a variety of color emissions depending on the gases involved, but blue and purple are typical colors produced in the troposphere where oxygen and nitrogen dominate.


151120

Bursts of red bags and gloves
Intimations of sacredness
Dark medieval
Interplay of opacities
Floating rhythmics
Kimonos
The codes of classicism and uniform dressing are the instruments
A grave severity, determination
Capes


141120

"Semblable fusion de l'oeuvre d'art avec le cours de la vie quotidienne est le legs méconnu des expériences menées par Sonia Delaunay dans la thématique temporelle au cours des années 1910. Revenue à Paris en 1921, elle s'attache à réaliser plusieurs projets inscrits dans la temporalité : les "robes-poèmes" pour Tristan Tzara et Philippe Soupealt (1922-1923), les projets théatraux et chorégraphiques La danseuse aux disques (1923) et Le Coeur à gaz (1921), le film Le P'tit Parigot (1926) et la boutique Simultané présentée dans le cadre de l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925. Toutefois, on peut sans doute soutenir que son travail dans le champs temporel a trouvé sa manifestation la plus accomplie dans ses textiles et créations de mode de cette période. Ici, le simultanisme échappait aux confins de l'art et prenait pleinement part au monde, pour devenir comme Robert Delaunay le revendiquait, une "peinture vivante", créée et recréée par la personne qui la portait et l'utilisait au fil des années. Ses textiles simultanés fonctionnaient de la sorte, comme une forme de "matériaux à construire les prochains ensemble" (la formule est elle aussi de Robert) - réagissant au monde tel qu'il est, mais aussi participant au temps à venir." Juliet Bellow, Les couleurs de l'abstraction, 2012


131120

"This rethinking of disposability has an anti-capitalist appeal, as does thinking of oneself as someone who is not only, always, a consumer in search of the next purchase. But in the same way that making sustainable clothing purchases is a privilege many cannot afford, it is a privilege to have the resources needed not only to mend something but also to take the time to make it beautiful. It is also a privilege to feel comfortable wearing clothes that are visibly worn, however beautiful the repair. We need to be careful not to romanticize the history of mending, a craft that has grown out of necessity."


81120

glamour being an old witchcraft practice of setting intentions to allure - the nature of glamour, which is drawn primarily from the essence of human sentiment distilled from primal emotion, refined by post-contemporary occultniks
flowing
indulging the rush constantly
harvesting emotions and dream energies
plucked from the flowers


71120

"La mode n'honore pas le projet poétique que lui permet son objet ; elle ne fournit aucun matériau à une psychanalyse des substances." Barthes, Système de la Mode, 1967


241020

a reminder of surface attack : the question of violence in fashion appears irrelevant to glamour but the mask passes for a great equalizer : eyes become the focus. Once we accept the eyes as the soulful presence imbuing clothes, fashion becomes obsolete.


231020

plongée dans un doomscroll des collections printemps-été 2021 calme en ses paupières, assise les jambes repliées en origami dans un gris jean serré. un pull noir de marin remonté aux avant-bras épouse son tatouage de vagues déliées jusqu'aux mains soulignant le visage - un doigt suspendu sur sa lèvre pour s'empêcher de vomir.