[au début]

¡¡¡¡¡¡¡¡ ¡¡¡¡ ¡¡¡¡

Je n’ai pas su quoi faire de ma nuit. Toute à mon corps électrique j’ai trouvé le serpent dans le bassin puis la colonne et la nuque en pente longue. Levée dans la posture je me suis drapée de blanc pour laisser souffle trouver libre mathématique d’extension. J’ai le rythme en douze temps, chaque geste en millimètre de moi décomposée, dans la plus petite granularité du moi, au niveau où - - - le désintègre. Et apparaitre devant vous, déploiement du bassin de la hanche de la colonne entre les épaules de la nuque penchée et des cheveux en forêt liquide sur la pointe des seins orchides et de la ligne de la pointe des pieds pour me dresser, statue, en instant ciel.


extension de ma grace

Je vous devine entre deux portes — silhouettes de pure lumière déformées par le larsen. Je n’arrive pas à fermer les yeux, c’est à peine si je trouve la force de me retourner vers l'orée et de saisir vos voix dans la distance - en chute dans l’eau glaciale du fleuve, des cors de chasse sous le pont et des larmes accroupies sur le muret, là où j’ai dis ces choses et versé d’autres encore, sans quitter cette vrille : ne pouvoir exister à vos corps telle que je le suis telle que je me suis sculptée telle qu'elle.

Au matin dans le soleil blafard ma gorge en cendres, je trébuche toujours sur mon désir - ces pages noircies d’enlacements, de vagues invocations, refusant de céder aux injonctions de l’eau.


---…

je n’ai pas guéri en me penchant seule sur ces miettes - j’ai pensé vos sourire et pris vos mains pour comprendre, puis : cette blessure je me la suis faite moi je l’ai ouverte dans mon ventre là où ça bat où ça remue ça tremble — distance et silence, mon étoilé déviée de sa trajectoire par le partage du froid. j'avais perdu contact avec cet unique coeur battant d’un corps qui danse et se tend déployé dans l’espace en galaxie. Le soupir, ce matin, printemps — avant que la cicatrice de ma fente ne se ferme je tire trois pétales - les voici offerts sur ma langue - je tourne entre vos bras, rotation évanouie vers le ciel quand dans l’extension je prends mon élan pour me jeter dans cette cambrure.


( )

J’en ai chialé, quittant cette rue - j’avais oublié le chemin. Dans la déflagration des larsens j’ai puisé l'eau, l’évidence d’un putain d’océan. Je n’ai perdu aucune seconde : enfuit mensonge, illusion, ce sont vos fronts que je prends vecteur ——— sans réciprocité pas grave, je trace. Dans l’enclos mou où je trouve répit ce soir, poser : ce visage est reflet d’un temps lent de luttes et de chutes et sur mon visage il y a les traces les sillons et dans mes cernes il y a la courbe et le dernier appel d’air et les particules et toutes les noyades et les avalanches. Et si au matin tout me remonte en bleu, et si mon corps délié accepte le sort - puisque c'est simple, je le prends vague - comme si de l’intérieur de moi-même, soudain, peinte à l’envers de ce visage, l’eau devenait murmurre.


.....................

"Le Sommeil Noir est l’acceptation totale du fait que tu vas décevoir l’autre en lui disant NON et en faisant la sieste au lieu de lui obéir. (...) Ne te laisse pas dire que tu fainéantises ou que tu n’as pas ta place ; tu as besoin et tu mérites de dormir pour exister. Tu dois dormir pour tes ancêtres qui ne le pouvaient pas par le passé, et pour tes frères et tes sœurs qui ne le peuvent pas aujourd’hui. Tu dois dormir pour ton futur. La sieste est un investissement à long terme." – Navild Acosta et Fannie Sosa, Siestes noires


‘*/.

Le fragile inoui qui tient nos petites chaleurs ensemble autour de ce silence, j'aimerai le déposer là dans ma main et le couver près de ce coeur qui attend en soupir que se ferme la couture, la distance, les mots d'absence, les non-dits et des pas dans la neige qui ne laissent aucune trace, volatiles, fondues au soleil du désir sans objet du quelque part entre les fenêtres, du continu, du moment qui se lance, de l'acte enfin qui se lance, de cette lance qui me traverse en une seule direction, ensemble.


"I think, aside from crying and meditation, dance is the best way to handle change. If we choose a rhythm that we love and dance to it, we feel a little more in control." - Meg Stuart

Quand l'Eau viendra me prendre, je serai devenue celle qui accepte. J'ai passé le seuil de la domination, en prenant de face le vent contraire de mes contradictions. Pure nouée d'abstract et déjà je sens lassitude. Au creux de ma paume, j'ai placé un signe - l'ensemble des paradoxes résolus en ce corps qui danse - à la toute fin, de la toute fin, alors vous me trouverez là, sur la pointe des pieds en détente de songe. Et je serai celle qui venue de l'eau rapide se basculera en dernière volte.


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Quelque chose en moi mis à nu. Exposée, cette surface qui se reflète en elle. Le centre ne tient plus, il se révèle fragile affaissement, étoile mourante. Tout me parait dentelle. L'axe se tend et ma gyre en spirale de bille vers le point de silence où la fabrique menace de se déchirer. Je respire en poumons pour sortir cette remuance et la poser là au creux de ma paume où j'ai écris l'accepté, le devenu et la totalité de mon corps étendu --- tiré vers le disque solaire et la ronde des débris, tous les satellites pulvérisés en poussière d'ouvert.


RAGE QUIT

Retour à la rage ce matin pour mes soeurs et mes frères tombé.e.s sous les semelles du Brutal. Pour l'ignorance borderline sociopathe de cette violence qui s'essentialise en principe de vie indépassable. Je repense à ces grands pingouins éteints, les deux seuls survivants sur une petite ile au large de l'islande : "Quand les quelques Grands Pingouins survivants voulurent regagner leur rocher de nidification, ils ne le trouvèrent plus et furent forcés de choisir un autre site, optant pour l'île d'Eldey, un gros rocher qui présentait un inconvénient majeur : bien que difficile, l'accostage y était possible, ce qui rendait la colonie vulnérable. Lors du premier raid sur l'île, 24 oiseaux furent capturés. Environ un an plus tard, 13 autres furent pris. Chaque raid successif rapportait des prises en nombre décroissant, jusqu'à ce qu'en 1844, seuls deux individus (un mâle et une femelle) fussent tués. Ce dernier couple, qui était alors en train de couver un œuf, est étranglé par Jón Brandsson et Sigurður Ísleifsson tandis que Ketill Ketilsson écrasait l'œuf de sa botte".


« […] Ceux qui fouillent la réserve du musée des os, ceux qui veillent les images en colère dans leurs muscles, ceux qui font pisser une archive sur le dancefloor. […] De toutes les mains déposées en eux, de tous les regards déposés en eux, de tous les sols. Ceux qui veillent. Ceux qui ont un corps paysage liquide, ceux qui ont un corps paysage de jungles. […] Ceux qui font cérémonie bruyante de leur souffle. Ceux qui sont vivants et ceux qui ne cessent de revenir depuis la mort. […] Ceux qui font la fête, ceux qui tremblent sur la musique, ceux qui tremblent avec des images que personne ne peut saisir, que personne n’a jamais vu. Ceux qui veillent."

olivier marboeuf


141121

Les étoiles jouent à cache-cache dans mon coeur - j'apprends à les dénicher dans les recoins, au fond des placards, derrière les miroirs, sous les vieilles coiffeuses.


embrumes

Je me suis endormie parmi les corps qui respiraient fort, nichée dans les bras d'un ours géant aux calins de poussière. Je me suis levée nouvelle, la tête pleine de réverbérations. Une vibration dans l'aquarium de rêves où j'ai trouvé parfois les visages aimés et les sourcils en arc. Endormie, j'ai traversé la rue blanche - si froide, tous mes poissons remontés ventre à l'air. Il y avait quelque part l'écho d'une noyade, un son étouffé dans l'onde que j'ai cru saisir en espoir de te voir apparaitre là, en haut de la pente, emmitouflée dans je ne sais quel manteau de neige. Mais sur le banc, j'ai vu seul un ami qui ne m'a pas reconnu, ou bien que j'ai esquivé par crainte de fatigue, profonde en mon écharpe. Dévalé jusqu'au foyer où le café en poudre, la chaleur, la naissance des nuages sur le parc et ta voix quelque part trainante à la surface de mon étang.


après l'enlacement

Je ne sais pas encore de quelles étoiles est faite mon étoffe. Elle se froisse quand elle baise, dans cette pièce construite de pure lumière. J'ai trouvé hier soir dans mes draps cette présence que je cherchais. Et ce matin dans la brume et la rue déserte dehors j'ai vu des tâches danser et j'ai su que les araignées roses étaient passées sous ma peau et qu'elles avaient fait leur nid là. Alors j'ai tiré leurs fils de soie de ma surface et dans la robe cascade j'ai composé lentement, à la lueur de mes galaxies d'épiderme, un tricot ruisselant.


après nos bêtises

Je retrouve dans la poudreuse dispersée sur cette robe je retrouve un mouvement que j’ai vu s’esquisser hier soir en nos ébats décomposés : l’esquive des ténèbres qui nous font peur. Ces couleurs insistent encore à la lisière de mes paupières dans ce train qui se traine et qui n’en finit pas de partir et de creuser la distance entre nous mais vous savez - tout brille : des reflets dans les sequins et mon coeur en trille - ces arpèges sont des canevas où se reflètent les impasses et les mots bloqués là dans les poumons. J’aimerai vous raconter l’adolescence volée et les tragédies et les murs dans les dents mais ce que je trouve là maintenant tout de suite, dans cette robe que je couds à la main, dans ce wagon surbooké, dans ce tout petit espace où chaque torsion de fil est acrobatique, c’est l’expression d’un corps qui refuse la mort, un corps qui n’a plus l’habitude de rien tellement on l’a chassé de lui même. Il a dormi longtemps ce corps - plus que moi ces trois derniers jours - et je le recompose un geste après l’autre, sans saccade - retour au fluide. Je pars loin, des kilomètres de rails sous la neige fendue. Mais la trajectoire, mais l'élan. Mais la force. Je me sens capable de démonter ce monde, et d’arracher à son flanc de quoi sauver nos chansons.


181021

10h de shooting. Sauvage. J'ai appris un métier, là, sur les trottoirs de Paris, dans le rose des flaques lumières des places de luxe. Entre les arbres. Mes robes, pour la première fois sur un mannequin professionnel. J'ai bricolé mes coutures à genoux, j'ai compris ce que ça voulait dire, entendre le corps, tordre mes plis, retourner, ajuster. J'essaye d'analyser ce que je ressens. C'est compliqué. Il va me falloir des semaines. Je sais juste que j'avance. J'approche la fin de cette saison. Archiver ces mots. Finir la collection, les donner. Updater le site. Faire ces dossiers d'atelier et de résidence. Régler ma situation administrative. Passer à autre chose. I hope.


141021

La couleur invitée dans mes fringues ce matin, le pourpre qui pue. Nécrose en sequins, velours dévoré, doudou de mailles moisie. Prada décomposée dans mon café lyo. Faut vraiment que je me cherche une nouvelle garde-robe. Je pense à opter quelques temps pour un retour au mode Cayce Pollard Units. J'ai trop de choses à faire, à organiser, à planifier. J'ai besoin de streamliner mon approche. Questionner l'accessoire, peut-être, mais niveau silhouette, m'en tenir à quelque chose de fonctionnel et d'élégant, quitte à chercher d'infimes variations créatives. On va dire que je mets en pratique quelque chose que je sens venir depuis quelques temps, sans l'éprouver dans la matière.


131021

Toutes les couleurs qui tombent de toi, tout ce que tu as traversé pour pleurer ton make up ici devant moi, j'aimerai me pencher et te lécher le bleu, le mauve, la joue ce pli là sous ton oreille où pend le premier rayon de soleil. Dans ce mouvement vers toi, je trouve dix ans, vingt ans et soudain le monde me parait habitable, le matin, quand je trouve ta joue où jouer le réveil, le café dilué dans le bleu, mauve, pinceau dilaté d'une aube, enfin. Si seulement j'avais le courage de te dire ce que ça goûte, ton passé.


071021

and then she closed her eyes.


061021

Sous le taleth de papa. Mon premier souvenir d'un vêtement de protection, dans la pièce où les familles attendaient ensemble la sonnerie du cor. Le sentiment de faire partie de l'écharpe elle-même, objet sacré qui recouvre le monde d'une nuée tissée.


051021

Création de la costumière Edith Head, la robe portée par l'actrice Elizabeth Taylor dans Une place au soleil (1951) était une révolution : il s'agissait de la première robe sans bretelle. Le succès fut tel que le vêtement fut copié par tous les designers et couturiers de l'époque et qu'il s'imposa comme un best-seller pour les mariages et les bals de fin d'année dans les High Schools américaines.


021021

Marcher dans les ruines du songe - ce rêve dont j'ai cru chaque figure, mur et sourire. L'évidence après un mois en orbite autour de mon nombril : qu'aucun bras ne s'ouvre, aucune main ne se tend. Le silence qui se fait - le rideau tombé sur cet effort de matin - c'est une rivière, un torrent. Je fuie de partout, de bleus, de larmes, de coutures ouvertes. Me défaire là, devant toi, ça me fait du bien, je crois, car je ne sais plus quoi faire de ces peaux. Je serai bientôt nue, les nerfs en collections de minuscules autoroutes vers l'intention qui ne veut plus. Il n'y aura aucun ventre. Aucun geste, je l'accepte. Ces yeux baissés vers l'objet de tendresse : réparer tout, continuer, mais ne plus y croire. En mode autopilote, laisser les commandes du squelette à la noyade.


200921

Tes roues furtives en la rotonde et tes yeux de mouches en vitesse lente devant moi et je cille et te voilà déjà comète - cette ceinture, ce mouvement lent sur la pédale, ralenti, ralenti je t'en supplie.


280921

Je me fais des bleus partout. Je ne sais pas d'où ils viennent. Je n'ai aucun souvenir de choc. Est-ce que je me cogne contre moi-même dans mes rêves ? Peut-être là-bas tes étreinte imaginaires laissent-elles des plaies sous l'épiderme. Peut-être qu'une marée monte. Ce corps arrondi de partout, en transparences de veines et de tension enfouie, ce corps me semble plus fragile et plus extensible, soie sauvage mêlée d'une goutte d'élasthane. Tout devient micro-bobo, j'imagine que les agressions du quotidiens sont des mots qui s'écrivent là sur ma peau en profondeur de surface. J'y vois parfois des anémones et des pockets lagunes. Quand je les touche, ces tâches marines s'ouvrent en roulis et contaminent d'irises ce qui me reste de sable.


270921

Le vêtement comme guérison. Ah. Mais oui.


260921

J'ai commencé les cours de Poétique de Mode aux M1 et M2 à la HEAD de Genève. Je m'engage plus profondemment dans ce projet commencé il y a un an, de reformuler mon travail autour du vêtement et de la documentation d'une pratique créative - en utilisant l'écriture et la couture à la main, l'expression poétique et l'histoire de la mode comme canevas pour co-construire une intention, un geste, une collection. Dans ces cours, on pose la question de la mode en tant que phénomène, dont les traces éphémères permettent de faire émerger une poeisis intime. C'est bouleversant, à tellement de niveaux. Me tourner enfin, concrètement, dans mes pratiques militantes et d'enseignement, vers ce qui vient. De m'effacer derrière un processus d'apparition et de disparition perpétuel, en dialogue entre collectif et individu. J'ai un paquet d'heures, et un tas de responsabilités et c'est parfois vertigineux mais je gère. Enfin, je crois :)

Sinon, Melmoth vit sa vie. J'ai l'impression qu'il va falloir des mois pour qu'on se rende compte que ce livre existe (ou pas). C'est pas plus mal : ça me fait sortir de ce mécanismes de promo un peu relou. Et je n'oublie pas que pour la première fois depuis que j'ai commencé à écrire, je ne suis pas en train d'écrire un autre livre.

Exposer mes robes aux regards dans cette vitrine d'une librairie, ça a permis de décoincer un truc. Il me reste 15 jours pour finir la collection. Je commence le fitting samedi, pis ce sera ce petit happening video sur les rails en bas de chez moi. Je sais pas trop encore la forme que ça va prendre, je vais écrire quelque chose à invoquer, je pense. Organiser le petit monde. Tracer le mouvement - la danse entre les voiles. Pff. Olala.


210921

Devant la mer qui tend les bras - devant ces vagues en ces crêtes et cette écume et les juments et les remous les coquillages tu me parles du manteau de la vierge de guadalupe, manteau d'étoiles et de nuit de plis et de fleurs dont la distribution évoque une partition - gamme descendante et planante d'une réconciliation, d'une consolation. Il y a tant de légendes sur ce manteau. D'attente et de vénération - la vierge elle-meme se serait imprimée sur une étoffe.


200921

Derrière un mulet se cache toujours un mulet.

Ne pas dire entièrement la mode.

Car la mode cache le doute.


190921

C’est compliqué, la colère contre quelqu’un. Quand j’insultais les keums à la moindre réflexion sur mon boule ou mes piercings, c’était facile de leur vomir mon existence. Mais la colère contre lui, dans sa connerie fragile inspirée par une muse qu’il a défroqué, c’est comme se frapper la tête contre mes propres limites, celles que je veux pas voir, que je peux pas accepter.


170921

Je parlais de cet étrange paradoxe, se sentir vide et pleine en même temps. Ce matin, alors que je dois partir accrocher une robe dans la vitrine de cette librairie qui nous acceuillera ce soir pour parler des luttes solidaires à Belleville, où, encore, je vais me planquer derrière mon livre pour masquer Mélancolie, ce matin, je ne sens rien. Le vide et le plein se sont enlacées, dans la chaleur, dans une paix. Et pourtant : je ne connais pas le mot pour dire ce sentiment de pure chute accélérée. Ces deux dernières semaines, en absence ici, ont été des boules de feu dans mon ciel. J'ai suivi la trajectoire de loin, ma main couvrant leur lumière dans l'azur. Traine de fumée, grondement en asymptote de crash. Les visages vus et embrassés, les mains tendues et les mots qui ne viennent pas, qui ne viennent plus. La descente lente vers l'eau quand tout semble drapé de rides. C'est la mort après la frivolité. Frêle, l'édifice de cette vie libre qui tremble de ne pouvoir te dire toute la détresse, tout l'espoir. C'est compliqué, mourir : naître à l'envers.


050921

entre les portes soudain je te vois c'est une comète qui va se perdre dans le plancher sous les robes suspendues. j'ai vu et j'ai ralenti mon coeur il est parti alors oui j'ai ralenti j'ai perdu les battements et il a fallut quelques souffles pour mettre un pied devant l'autre. dans cet instant de dos, où le regard peut-être. mais déjà le tournant et le rebord et s'assoir. et prendre tout ce qui reste là en miettes. patienter. retrouver le premier ping puis le rythme doux la caresse et en tongs finir cette route.


030921

kate

[Chorus] And this is where I want to be
This is what I need
This is where I want to be
This is what I need
This is where I want to be
But I know that this will never be mine

[Post-Chorus]
Ooh, the thrill and the hurting


020921

Psychogénie manquait à mon vocabulaire. Je l'ai trouvé chez Bachelard hier - encore - mot un peu obsolète au sujet de la somatisation de la psychè. Bon, le terme est surtout psychiatrique il me semble mais je le prends comme une fugue. Le moment où la rêverie s'incarne, retourne à la matière pour la prendre dans ses bras. Enveloppante et traduisant dans le geste tout l'invisible en-dedans, les manifestations dans le mou et le dur d'ici. Le désir et le ressenti qui ne se dit pas, incarnés et gonflant de l'intérieur ces formes belles. Le rapport quasi intime avec le vêtement, le dévoilement, avec le mouvement de l'autre qui se montre sans se dire et qui demande, sans l'exiger, d'être vue. Reconnue. L'impossible appropriation (pro-priation), laisser filer ta nuque. Encore. La fugue, tu vois. Et comment le vêtement souligne aussi, marque l'air d'un déplacement, un millimètre sur la ligne de néant. L'eau dans la main.

Il n'y a de sf pour moi aujourd'hui que dans l'intime, rendu du monde et du corps politique d'où il émerge.

Melmoth Furieux sort aujourd'hui. Je ne me suis jamais sentie aussi vide et aussi pleine. Je cherche des yeux dans quoi manifester ce déploiement perpétuel, pure contradiction. Je trouve le soleil, là. Entre le pouce et l'index.


010921

Allons. J'ai passé la nuit dans cette maison au coin du bois sombre, une maison pleine de sorcières et de cartes à jouer et de robes déchirées pendues en travers. Il y était question de la mort de Gérard Philippe aussi mais ça je ne me l'explique pas. Bref : je pense surtout à cette suspension entre les murs - pas de plafond. Je dois donner une robe pour la vitrine de cette librairie où je signerai Melmoth dans 15 jours. Et je me pose la question de la robe même si je sais que ce sera - seront - une nouvelle Envierge.

Fitting today avec H et E. All good. Il manquait des assemblages. Tout prend sa place. Le shooting est prévu pour octobre.
Il me faut un budget.


310821

Eternaliser le crépuscule au son d'un monocorde, voilà - nuit et jour s'enlacent. Je perds la division du temps, cette aube devient coucher, tout se plie. Je me souviens de ce murmurre, vocalise quand penchée tu m'as tendu cette nuque dont je n'ai su prendre la mesure. Pente infinie vers le reste d'une existence. Là, dans ce moment où se sont rejoints les pans d'un manteau quotidien, en ce mois d'août novembre au goût de poumons froids, et ici, la porte ouverte qu'est devenue ma vie et voilà comment je couds ensemble les miettes de temps pour ce qui reste de ton visage et de ta silhouette je tords une robe à la surface de tes muscles endormis de ta tension belle qui déroule le cou qui se donne pour que tu danses, caryatide.

as i move through you


300821

"Aucune attitude, aucun mouvement, aucun geste n'a de beauté en soi. Un mouvement n'a de beauté que lorsqu'il est exprimé avec vérité et sincérité. L'expression "la beauté de la ligne" est absurde en elle-même. Une ligne n'a de beauté que la beauté de la fin vers laquelle elle tend." Isadora Duncan


290821

On est dimanche. Assise sur le canapé et les cloches de Ménilmontant dans la distance. J'ai du mal à concevoir une occupation purement domestique de mon espace de vie. Maintenant que j'en suis réduite à devoir finir toute seule, et à la main, cette première collection - qui n'est rien d'autre que le fruit de six mois de travail complètement improvisé (i don't know what i'm doing) - je devine sous cette petite angoisse matinale un vertige à l'idée de ne jamais réellement me défaire de la tâche interminable d'avoir toujours quelque chose à finir. Et maintenant que je suis littéralement envahie physiquement par ma pratique, que ça déborde de partout partout partout, je me dis qu'il y a peut-être, peut-être, un ménage à finir aussi. Je me fatigue.


280821

Une myrtille sur ta nuque.


270821

J'ai pris l'habitude de me rassurer en prenant ton pouls. Si tes yeux m'y invitent, je place trois doigts sous le petit os des poignets pour approcher ton harmonie. C'est lui qui me dit, murmurre, cet affect aux moires. Une robe aussi a un pouls. Il ne se saisit pas dans l'instant de la respiration, il se donne en correction progressive de sa forme. Il existe dans cet intervalle où le souffle bat la mesure du silence. Là, dans ce creux qui va et vient, j'entrevois parfois la perfection du mouvement, le juste geste qui lui donnera vie. En lui, patiemment, je m'abandonne. S'y efface la mode, le désir même, la trajectoire, le futur. A la présence je répond par un regard - la saisie de l'ensemble. Renoncer à t'enfermer, contre moi, en moi. Te laisser, souffle, pouls. Dans cet moment d'être - chemin vers l'eau.


260821

Faire l'épreuve de la liberté du tissus qui s'échappe comme la vie elle-même. Laisser cette porte ouverte au mouvement, la laisser ouverte cette porte juste le temps qu'il faut pour contempler l'absence en sourire et se résigner à laisser filer. Toute chose passe. Ton ombre dans l'escalier du temps et la porte en bas du monde qui se referme en soupir. Ca respire. C'est très beau et je voulais te dire ceci que dans mon énergie je n'ai pas eu conscience d'articuler : nous sommes faites de ces choses en feu, de flammes au coeur transparent. Elles nous disent les gestes perdus dans une nuque - de la main gauche comment la tenir, et de la droite comment garder l'empreinte, l'ombre brûlée sur la roche de nos cavernes. Mais déjà je glisse comme cette soie qui ne retient pas ses vagues alors de dos je m'ancre dans la sable et je la laisse me traverser, passer ses doigts d'écume et la marée reflue, l'heure tourne. Il y a toujours une autre rue, un autre coin de rue, une autre disparition. J'ai l'envie de poser un point sur tout ça, un point seulement pour retenir la forme éternellement. Que jamais ne se perde la sensation chaude de ce tout petit pli en moi où j'ai placé le fil de laine qui me retient de -


230821

Melmoth Furieux sort le 2 septembre (dans 10 jours). D'ici là, j'ai, hm, voyons : douze pièces pour ma première collection, que j'ai appellé "Permis d'habiller" - je crois que c'est une sorte de rite de passage dont la formule avait été trouvée par Balenciaga. J'en avais plus, des pièces, mais j'ai fini par en assembler certaines avec d'autres. Après cela, quand j'aurai fini ces robes, quand elles auront été portées, photographiées puis données aux personnes dont elles portent le nom et les symboles, je saurai si oui ou non, j'aurai ce permis là. Sans atelier, j'ai dû réorganiser mon espace privé et il manque encore une surjeteuse, que je pense acheter cette semaine - ce serait quand même bien pratique. J'organiserai un shooting je sais pas trop quand et où. Et j'ai cette date importante du 18 octobre : un mannequin portera une de ces robes pour un défilé professionnel et mon coeur bat très vite à l'idée que ce sera là le véritable passage, pour ne pas dire une grosse angoisse. Bon : je me suis accordée une semaine de mélancolie. C'est assez. Il faut plonger. Honnêtement, je ne pensais pas arriver si loin. Onward !


200821

Gros découragement hier soir - pleins de raisons, de questions, mais la seule qui me semble vraiment à portée de correction, c'est l'espace de travail. Je dois prendre un temps pour finir ces robes. Ne pas les laisser mourir en état intermédiaire sur le portant mais bien les "achever", à la fois leur donner une forme qui serait mienne et les tuer - m'en débarasser, les disséminer. Je ferai ce qu'il faut. Toutes les personnes qui doivent avoir un fragment en auront un, il n'y a qu'ainsi que j'arriverai à passer le cap et pouvoir recommencer. A quoi bon travailler sur l'éphémère si c'est pour le voir pourrir éternellement ? Je vais essayer de visiter les chantiers autour de chez moi, et me trouver un endroit où je pourrais squatter. Et puis après, il faudra peut-être songer à pérenniser un lieu. Le lieu. Ici ou près de la mer infinie, dans la marée elle-même. Je ne sais pas. Honnêtement parfois, j'ai envie de tout laisser tomber. Et puis je regarde la toile en cours sur le mannequin, et tout ce qui me reste à faire, à apprendre, à communiquer et je suis prise d'un vertige de lumière.

"Je pense que la première forme corporelle est la lumière." Robert Grosseteste


190821

Je suis encore avec mes vagues mais j'ai trouvé de la place aujourd'hui (et dieu sait que je suis abattue) pour Francesca Woodman et je me pose la question, au-delà de ce sensible expérimental qui m'a guidé dans mon propre chemin, de ses choix (?) de vêtements. Ca m'a toujours frappé, dans son travail : quand elle juxtapose les matières de nu et de tissus, l'évocation d'un frôlement. Je pense à son Untitled miroir de 1975, ses pastels et à sa Caryatide. Le flou bougé dans le format carré, fuite rapide dans le carreau d'une fenêtre. Reflets dans les voiles, ombres des talons, masses informes de draps, de dentelles, de friperies vintage - où la pose et l'habit se mélange en silhouettes d'apparitions - le passage, le déplacement vers. Se draper de poussière, de terres et de ses propres mains. Non pas pudeur mais bien mise en cadre dans le cadre, le temps d'exposition prolongé jusqu'à l'ectoplasme. J'ai l'impression que la photo de mode depuis 40 ans ne fait au final que distiller ad infitum la pure mélancolie de ses gestes (je connais la fascination qu'exercait sur Woodman le travail de Deborah Tuberville). De cette éthétique de l'éphémère -- moment indeterminé à travers le nano-drame d'un état de choc permanent, rêverie de mort et de glamour.


180821

A Granville, j'allais pieds nus sur la plage infinie dans le flou de mes robes, d'un cache-coeur vert perdu et dans ce soleil frappant d'éclat les vagues en sourire. Je me suis sentie prête à vivre cette vie là, dans le remous. Retour au tarmac parisien : déjà reprise cette peau sombre et déchirée et si lourde. Mais trop tard : j'ai goûté l'errance et le perpétuel décentrage du ressenti. Je mesure l'importance que le vêtement à pris dans ma vie, simplement en acceptant que je puisse me dire des choses à moi-même. Alors, décision : je bazarde tutti et je reprend le chemin du sable. Non mais oh.


170821

Le travail à la main en couture, soutenu depuis un an maintenant, m'aura fait prendre conscience de deux choses nécessaires à l'équilibre : d'abord que le matin est ce moment d'être où je m'épanouis dans mes projets intimes, ceux qui demdandent pure liberté, pur déploiement de sensible. Tout ceci doit être préservé, sans cesse. La base, sans laquelle aucune journée ne peut-être entreprise, sans laquelle l'anxiété perpétuelle ne peut être vaincue. Il y a ensuite, plus importante encore, la question de l'écriture à la main. Ayant repris l'activité régulière de mon journal, ici et dans le cahier blanc, j'ai pu comprendre le mouvement de composition du texte en revenant à l'idée première - sur Délius, sur Colline aussi - d'écrire un manuscrit entièrement avant de le taper, de le faire grossir en oignon puis de le réduire. Il est vital pour moi d'établiur un ensemble spontané mais réfléchi une phrase à la fois, venu du dedans, du geste et du délié. Sans cela, je me perds en réécriture incessantes de passages usés jusqu'à la corde, remuant le sable tout au fond sans voir l'océan. Ces fragments de textes sont des émpiècements dont je compose lentement la silhouette, depuis la toile, dans le vivace. Coudre et écrire se mêlent désormais, sans hiérarchie. En marées, en souffle.


160821

Près des vagues, au rythme des marées profondes. Des chants venus des profondeurs, remous - gronde en bouffée de sable remué. Partout sur le rivage, l'écume s'envole en mouettes. Je suis là, apaisée. Dans ce moment d'être où se joue le présent, nulle projection. Le souffle retrouvé du désir, du féminin, d'une grace impossible. Et pourtant : je suis là. Cet instant où le sacré et le profane se sont mêlés, c'est l'amour.


060821

Ce matin, Mallarmé. Sur l'écriture, et la couture - qu'en visionnaire il avait su associer : "Tu remarquas, on n'écrit pas, lumineusement, sur champ obscur, l'alphabet des astre, seul, ainsi s'indique, ébauché ou interrompu ; l'homme poursuit noir sur blanc. Ce pli de sombre dentelle, qui retient l'infini, tissé par mille, chacun selon le fil ou prolongement ignoré son secret, ensemble des entrelacs distants où dort un luxe à inventorier, stryge, noeud, feuillage et présenter. Avec le rien de Mystère, indispensable, qui demeure, exprimé, quelque peu." (in L'Action Restreinte)


050821

J'ai ramené ma collection ici, je la finirai dans mon salon. J'imagine que ça a du sens ? Je n'ai pas encore fait l'inventaire exact, sans compter ce corset weird que je dois rapatrier ce week-end. Dix-huit pièces, peut-être. Je crois que je suis très heureuse d'avoir ces mues de moi là, avec moi dans mon espace sacré, ce petit loft de tissus et de livres. Je les regarde, sur le portant, acquérir un lustre nouveau - déplacées de leur cocon de friche où elles ont pour la plupart pris naissance. Me retrouver avec elles dans mon intimité, c'est magique. Je vais les considérer une par une, trouver sur qui les draper, vérifier les attaches, repasser, finir, coudre là où ca pourrait se plisser, se donner. Je commence à comprendre mon vocabulaire de base, et mon intérêt - j'aurai du mal à tout formuler là, ici, je crois que du coup, elles diront mieux que des mots. Ca interroge fondamentalement mon rapport à l'écrit, toute cette matière à manipuler, à comprendre en espace. La composition, le silence et le blanc, essentiels à mes textes, sont à la fois remis en cause et sublimés par une pratique qui me parait tellement - comment dire ?

Il me semble que Mallarmé à écrit de belles choses sur le sujet. Vite, aux oeuvres complètes !


040821

Finalement, j'ai presque 15 pièces, dont deux nouvelles qui me donnent beaucoup de joie. Je vais probablement devoir quitter l'atelier prématurément. Je me demande dans quel cagibi je vais finir cette collection ahah. Rien de tout cela ne m'émeut. Je suis dans ce centre silencieux depuis quelques jours, l'oeil du cyclone ou bien élysée, difficile à dire. En tout cas : no flippe et ça c'est nouveau. J'ai compris comment écrire Untitled, ça me remplit de chaud, commencer ce petit projet et de voir comment cette pure intimité peut se mêler au travail de main en cours, comment ça se danse sans vraiment se toucher, ça aussi c'est nouveau. Ca fait deux choses nouvelles. Et cette chanson continue de composer mes journées et j'ai cette phrase qui tourne - "Ces mots qui m'habillent, j'en suis faite, ce n'était pas la chanson que tu entendais, au T*, mais c'était moi que tu voyais, à chaque parole un membre, une partie du visage, du corps. Moi entière."

Tu m'as écris aussi, dans ces mots vieux de trente ans qui resurgissent : "On ne peut vraiment pas compter sur toi quand tu dors."


030821

Ce matin j'ai écrit ça. Bon. Il me reste un mois pour finir ces robes. J'en ai douze. La moitié à l'atelier, l'autre ici. Il y en a trois que je dois choisir et finir, au sens de finir. Ouvrir et mettre des points aux bons drapés. Fixer les attaches, ceintures et suspensions. Repasser (merde) et même pourquoi pas hacker la surjeteuse de l'atelier du dessus genre un après midi histoire que la soie, bon, tu vois. Sur ces trois, j'en ai une qui compte. Genre : vraiment. Pas qu'elle compte au sens où ce serait une belle robe ou quoi, mais elle compte pour moi. Je vais trouver cette énergie là puis partir pour les vagues. Et ce matin, aussi, j'ai posé les premiers mots d'Untitled. Ca m'a fait tout drôle, de revenir à ce moment là. De devoir l'écrire - le mettre loin de moi -- le dépasser.


020821

Ce matin je t'ai dit ceci. Et tout le reste en délié.


0£0821

J'ai rêvé de Frégoli, l'ennemi élusif qui change de vêtements. Dont la peau ne dit plus rien - seuls jeux de lumières et d'identité, la présence d'esquive qui se refuse masque après masque après masque. Je me suis levée grelottante, des semaines d'addictions qui font peser sur mon corps la menace d'un shutdown - mais pas encore, je me suis prévue des vacances bientôt et d'ici là, je me donne toute entière au sujet. Essayer de rester là, ici devant cette matière. Un vecteur, peut-être, trait de laine entre fenêtre en parquet, enroulé autour du dossier d'une chaise de jardin blanche. Ce que ça veut dire, la pratique qu'on tire, sans cesse. Sans objet autre que ses formes émouvantes en échantillonages. Ce sont multiples pistes qui s'harmonisent et résonnent. Des collections capsule d'émotions, de pur sensible sur la fréquence de style. Rêverie dans l'objet de sa fascination. Ici, la question de l'addiction, toujours, qui se présente quand devant le vêtement, sur le papier, sur le mannequin, dans ces mots même de viridien et de bleu électronique, le sensible se régénère encore et encore, somnambule d'ether. Je me demande ce que foutait Fregoli dans mon rêve : dans l'atelier, il ne se montre pas. Toute couture défaite de terreur - le reste nonchalant d'une paranoia écrasée de joie.


250721

Cependant le tissage en toile, qui résiste davantage aux torsions obliques que les autres serges 2/2 et 4/4 (lesquelles donnent un tissage plus élastique pour les tractions obliques, ces serges étant alors mieux adaptées aux textiles d'habillement), laisse des jours plus importants entre les fils des deux trames entrelacées. Ce tissage plus ajouré, mais plus contraignant sur les fils, convient mieux aux draps, aux tissus d'ameublement ou de décoration, ou aux rideaux semi-transparents.


240721

Je l’habille. Devant le miroir, elle dit:
— On a donné un nom à toutes les nuances d’entre pour que chacune ait sa place dans un système, qui va de 0 à 1 ou qui peut-être 1 et 0 en même temps. Il ne s’agit pas de donner une vérité à chacun, ni de relativiser les valeurs et le monde, mais bien de donner de la valeur à tout le monde.
Je l'observe, fascinée par la distance qui nous sépare. Un océan, des vagues sous la peau en tendre renoncement de soi. Tout à reconstruire, là, et moi dans mon amateurisme de couturière, qui cherche à comprendre où placer le soutien. Elle tente un geste doux. Se livre en poussant ses épaules pour me signifier sa présence. Accepter qu’elle soit là, dans une mélancolie dont elle ne saisit pas les remous. La sincérité de sa poésie sans objet, parole errante, puis dehors, jetée. Elle sait qu’à l’intérieur même de la robe se trouve l’instrument de son apparition.
— Nous sommes l’incarnation de la division par zéro.


230721

« Il faut se méfier de l’imagination. L’imagination doit d’abord servir à voir d’avance les défauts de ce qu’on imagine.»
Jeanne Lanvin


220721

Et si tout s'arrêtait aujourd'hui en sentence fatale sur ton devenir lumière - tu ne serai pas ébranlée. Et si tout s'écroulait en pluie de nuit sur tes épaules à peine remises, ça irait. Et si ton souffle soudain, empêché de tout mouvement devenait pure caillasse, tu serais en paix. Pour dire ce qui s'est passé, ce qui a ébranlé en toi la dernière digue qui retenait la mer, tu n'as pas de mot. Une intuition, à peine. Sérénité d'éternelle tendresse avec toi-même, avec l'autre, dans ce ballet de plumes et de soie sauvage qui dansent entre tes doigts. Et si tout ça, ce n'est qu'illusion, prétendre à la paix quand tout autour s'écroule songe, alors c'est bien assez.


210721

Je me sens pleine de jus. Presqu'un mois et demi sans venir ici, déposer les gouttes de mon matin. J'ai fini ce que j'avais à faire, ce que j'avais commencé il y a trois ans, que j'ai terminé sans comprendre - moi qui savait que c'était montagne. Qu'il fallait pas penser à l'arrivée, jamais. Pas regarder en bas, plus jamais.


180721

Et puis un jour, elle ne se sentie plus coupable.


010721

Et puis un jour, elle n'eut plus peur. Retrouvant la nature des choses qui ourlent le souffle - le risque où les frontières excèdent la pensée, la sécurité, tout. Juste laisser couler et sentir ce qui bouge quand on pête le stockman - éventrée cette forme creuse d'où émergent des paysages, des vallées. Elle devient vagabonde, elle qui n'a plus peur. Dans son insconscience, elle trouve les chemins où sont pendues les peaux tatouées de celles qui sont venues ici avant elle, enfermées pour leur audace, pour avoir passé les limites du corps et des vitres qui séparent. Elle ne connait pas la punition. Elle ne connait pas le bannissement. Jusqu'ici tout lui a réussi. Au premier faux-pas, elle connaitra la vérité de la terreur qu'il faut apprendre à affronter debout. Qu'importe le dépécage : tant qu'elle peut continuer à coudre et dévider les mots fil.


120621

Mes absences se font de plus en plus profondes. Pycnolepsie manifeste, je me demande si je devrais pas consulter quelqu'un. Je me demande ce que je vois dans cet interstice pendant le passage, dans cette fente béante dans la réalité où tout devient pure transition. Je ne m'en souviens jamais. Ca ne semble pas affecter mon travail. Au contraire : le fait de perdre le vêtement de vue lui donne, au retour de la conscience, une existence nouvelle qui me permet d'immédiatement déceler le défaut de couture, de silhouette. Depuis que j'ai décidé de me fier à mon intuition avant toute autre considération, j'avoue : je vais beaucoup mieux, même si je disparais. Probablement pas assez vite.


030621

J'ai trouvé un atelier, j'ai ré-organisé ma life pour être un tout petit plus juste avec moi-même, ma pratique et mes émotions. C'est compliqué. J'ai vraiment l'impression d'être un gros boulet flou.


260521

Marcel Conche : « L'absolu pour moi, c'est la nature. La notion de matière me paraît insuffisante. Elle a d'ailleurs été élaborée par les idéalistes et c'est hors de l'idéalisme que je trouve ma voie. Il est très difficile de penser la créativité de la matière. […] La nature est à comprendre non comme enchaînement ou concaténation de causes, mais comme improvisation ; elle est poète. »


250521

Pigé un truc hier : que parce que le vêtement porté dicte sa contrainte, toute démarche peut se faire autour, dans le processus d'apparition ; après aussi, dans la disparition, mais l'acte reste toujours centré - incarné dans ce qui se tient. Et c'est toute la valeur et l'intérêt de la mode que d'avoir en ligne de vue cet événement qui d'un coup existe. Le sens d'une époque - perpétuelle accélération du taux de rafraichissement de l'identité, qui a pris sa place au sommet de la pyramide des besoins. Dans la pointe aiguisée où devrait se nicher toute spiritualité. C'est bien ce swap là que je cherche - l'inverser et par l'éphémère lui faire reprendre une place non pas sacrée mais incantatoire. C'est vraiment très excitant :)))


240521

"Les gestes d'oeuvre devraient conduire aux lieux blancs de l'énergie nécessaire : au lieux de mouvement fatal, aux lieux où les repères ne sont que pivots du risque, où l'énergie n'est plus occultée, mais où, délocalisée, elle est prête à foudroyer la "suspension", où les formes ne tendent à déceler par leur infixation que les possibles d'une dépense. - des miracles -. L'absolu serait un déplacement irréductible à la durée. - le déplacement d'une dépense inépuisable. L'énergie ne s'épuise jamais ; c'est l'économie de la dépense qui l'occulte et l'opacité de la durée sociale qui menace de disparition la nécessité. L'urgence réelle. La pensée tragique. Les lieux d'énergie nécessaires." F.J Ossang


230521

Deux mains - des moitiés de gants et des bagues sombres à peine serties qui frôlent une résille - un épais filet tendu dans le cadre noir d’un tamis infini.

Tout enfermer ici dans la ligne dans le moment de dire à pas feutrés le plus délicat des travaux déposé tendrement à la surface. Ainsi le simple s’ouvre en toi - c’est un moment de grâce quand soudain le calme quand soudain tu comprends qu’une virgule n’est pas nécessaire à l’énoncé.

La couture en pratique d’un retour au monde. De mains qui saisissent la matière sur le chemin. Pour signifier le sensible en dehors, le moduler dans ses remous et le laisser danser pour y trouver perpétuelle muse.

Aucun regret.

Juste la joie d’être là vivante et d’avoir cette vie.

Est-ce que tu te rends compte de ta chance, petite femme ?


190521

Julia Kristeva : "Mallarmé publiera donc un journal dont il sera le rédacteur aussi bien que les correspondantes - la dernière mode. Il habillera l'énigme féminine en voile mousseux ou en acier, pour conserver le secret, mais de l'intérieur, et en complice. La mode - cette survivance du mystère lorsqu'elle devient un culte - trouve son prêtre dans le poète, car il sait que la "déhiscence" ou la "lacune" de la mère ne lui confère pas moins une puissance, dérobée à l'intérêt social mais assurant sa survie."


180521

Les envierges sont issues de la même robe cousue en suspension, drapé intégrant tout accident - repliée sur elle-même puis degradée et spawnant des clones atrophiés - vague évocation des matrices précédentes, pas même une mue : ce qui reste de l'opération d'incarnation quand toute énergie se disperse.


160521

Hier soir j'ai écris ici que ce travail était une impression de mode. Je pense à la précision des mots au moment où je trouve une forme qui me rende heureuse de pratiquer sans poser ni ambitions ni blocages techniques. Tu m'as souvent dit : être pertinente. J'ai choisi la mode pour centre car elle me permet de rayonner depuis son essence - actualiser l'éphémère. Il me manquait une partie du problème : la joie du jeu. Cette matière - soie, laine, organza et pure elasticité - me stimule affectivement dans une contemplation non plus de souffrance mais de pure joie. C'est comme - je ne sais pas - une sorte de pate à modeler. J'ai testé hier soir le moulage 3D en créant une matrice/résille dans la pièce pour suspendre, draper puis replier, enrober et chercher les couture qui tiennent.

J'imagine que le bon test c'est que je dors moins - et que je suis heureuse le matin de reprendre l'ouvrage.


150521

Je me suis laissée faire. J'ai levé les bras, je suis restée ancrée sur mes deux pattes. J'ai testé, pour voir. Ce que ça faisait de créer sans projeter - sans me mettre dans cette situation de merde où je crois que le monde accélère. C'est contradiction: la mode me permet ça, ce jeu rapide avec l'éphémère, l'improvisation et la collaboration - un poème, des intuitions. Je suis restée enfermée trois ans dans Melmoth. Plus. Finir ce livre ouvre en moi l'abysse et c'est cette énergie de pure inspiration, de jeu sans règles, qui a sauvé ces bouts de rêves.

J'ai updaté mon site, mon portfolio. Il me reste quelques détails à régler, et je serai sur cette route là.

Gros soupir :)

140521

Comme la grosse patate de huit ans que je suis, j'ai réouvert ma plaie hier soir pour mieux comprendre, pour être certaine de comprendre. Cette plaie que j'avais réparée soigneusement avec du fil de la mauvaise couleur - piquant la béance dans mon bas-ventre pour me souvenir de ce que je venais de traverser : cette réalisation que le problème de tous mes problèmes, c'est moi. Elle était belle et sauvage. Elle ressemblait au cri figé dans le torrent. Ce matin je la regarde dégorger le molleton, doux, chaud, moelleux, légèrement foulé. Il y a le souffle qui part avec en lente fission. Elle va pas craquer. Il me reste une aiguille, un bout de chas. Je me penche, un point là. Allez. Courage meuf.

Vas y doucement, je t'en supplie.

Laisse-toi faire.


100521

Cette première collection Automne/Hiver 2021 est finie. J'archive.

Et peut-être, peut-être.


——————————————————————————— all words by sabrina
-------------------- thank you for reading <3